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À quoi sert d’observer les étoiles ? 

Silhouette et ciel étoilé
De l’Homme de Néandertal à aujourd’hui, le ciel nocturne a toujours été source de fascination et d’émerveillement, mais aussi la clé de la compréhension de l’univers et de notre place en son sein. De la philosophie aux religions, de la science au mysticisme, l’observation des étoiles a forgé toutes nos civilisations et contribué au progrès technologique. Retraçons ce chemin ensemble !

On sous-estime souvent à quel point la simple observation du ciel a forgé nos civilisations. Elle ne nous a pas seulement permis d’organiser nos calendriers, elle est aussi probablement à la racine de toutes les spiritualités humaines : depuis l’aube de l’humanité, nous avons levé les yeux vers cette « lueur aux gouffres insondables » – comme l’écrivit Victor Hugo. Comment imaginer aujourd’hui l’extase mystique provoquée par la contemplation du ciel nocturne d’antan ? 

Ces milliers de points brillants, d’argent et d’or, fidèles au rendez-vous chaque soir, ces couleurs, cette lune changeante à la pâleur irréelle… Impossible de ne pas s’interroger sur leur nature et leur origine ! Et comme notre espèce est autant avide de comprendre qu’elle est douée pour inventer des histoires, nulle surprise que cet émerveillement nous ait conduits en premier lieu aux grands mythes de la création du monde, puis aux religions, à la philosophie et ait enfin ouvert le chemin vers la science moderne.

Car c’est en nous interrogeant sur le monde et notre place en son sein que nous avons établi les bases de toutes les disciplines intellectuelles et spirituelles, en tentant de répondre à chacune de nos questions métaphysiques. Ce faisant, nous avons fondé de nombreuses civilisations plus ou moins prospères, qui ont chacune à leur manière repoussé les limites de notre ignorance, passant le témoin à la suivante.

Tout cela… en levant la tête.

Aujourd’hui, nous avons percé cette énigme : notre modèle du monde nous place au sein d’un univers immense, composé de milliards de galaxies, elles-mêmes composées de centaines de milliards d’étoiles et probablement davantage de planètes. Chaque mouvement de ces astres est régi par des lois physiques certainement immuables, prévisibles et d’une précision mathématique ; mais avec cette compréhension s’est effacée la magie du mystère.

Comment, dès lors, pourrions-nous comprendre ce que nos ancêtres ressentaient en levant les yeux au ciel lors d’une nuit sans nuages ? Qui plus est, un ciel qui nous a désormais été volé par la technologie : les pollutions lumineuse, atmosphérique et bientôt spatiale voilent la voûte céleste, tant et si bien qu’on estime que si rien n’est fait pour y remédier, aucune étoile ne sera plus visible depuis la Terre en 2050.

Déjà en 1994, il y a seulement 30 ans, les habitants de Los Angeles aux États-Unis d’Amérique se sont affolés d’étranges lumières dans le ciel suite à une coupure générale d’électricité et ont massivement appelé police-secours : c’était la Voie lactée qu’ils n’avaient jamais vue ! Comment peut-on avoir perdu à ce point le contact avec l’univers ? De nos jours, seuls les déserts, les lieux en altitude et de rares endroits offrent une vue semblable à ce que toute l’humanité a connu jusqu’à la révolution industrielle.

Car, pour citer encore une fois Hugo, imaginez la splendeur qui nous a été volée en lisant ces quelques vers :

À qui donc le grand ciel sombre
Jette-t-il ses astres d’or ?
Pluie éclatante de l’ombre,
Ils tombent… – Encor ! encor !

Encor ! – lueurs éloignées,
Feux purs, pâles orients,
Ils scintillent… – ô poignées
De diamants effrayants !

C’est de la splendeur qui rôde.
Ce sont des points univers.
La foudre dans l’émeraude !
Des bleuets dans des éclairs !

Les étoiles filantes, Victor Hugo.

C’est un fait : nos générations ne connaîtront jamais la clarté nocturne qui a fait l’âge d’or de nos pères. Par conséquent, qui s’étonnera de la résurgence moderne de l’obscurantisme à un niveau planétaire ? Je l’ai écrit dans mon roman Les Portes de Tzakatán : 

« Car le ciel quasiment vide des nuits parisiennes était semblable à Kronos dévorant ses enfants, il ne donnait aucune raison de lever la tête pour s’extasier ni questionner. Où qu’ils soient sur Terre, les citadins n’avaient plus qu’à baisser le regard sur un bitume sale et résigné, à jamais coupés de la splendeur stellaire rendue invisible, condamnés par les tristes lampadaires à un jour artificiel et blafard qui occultait l’essentiel. […] Les grands élans philosophiques et spirituels sont plus sûrement étouffés par le progrès technologique que par les velléités politiques de contrôle des masses. En faisant tomber l’empyrée sur la Terre, la fée électricité les avait rendus aveugles : au siècle des Lumières avait succédé l’obscurité des réverbères. »

Comment notre quête de savoir a-t-elle commencé ?

L’astronomie dans l’antiquité

L’astronomie est certainement la discipline qui a pavé la route vers la science. Ironiquement, c’est aussi celle qui nous a mené à son exact opposé : les religions. Si l’Homme s’est très tôt intéressé aux lumières célestes (on retrouve des relevés datant de 30 000 ans avant notre ère !), les plus anciennes traces de l’étude du ciel dont nous disposons désormais datent d’environ 10 000 ans, découvertes en Écosse en 2013.

Comme les Sumériens 5 000 ans plus tard, ce calendrier était basé sur les phases de la lune. Les Babyloniens ont ensuite développé le zodiaque, relevé la position des étoiles, prédit les éclipses. Nous utilisons encore aujourd’hui leur division du ciel en douze parties égales, chacune associée à une constellation.

Les Égyptiens ont ensuite divisé l’année en 36 décans (12 divisions comptant chacune 3 décans, ce que l’astrologie moderne a conservé), l’année en 365 jours, le jour en 12 heures (du lever au coucher du soleil, ce qui donnait des heures plus courtes en hiver) et en ont profité pour inventer les cadrans solaires. Outre le culte voué au soleil sous sa forme du dieu Rê, la position des étoiles et des constellations jouait un rôle crucial dans l’architecture sacrée de leur culture (l’orientation et la disposition des édifices, les puits de lumière dirigés vers certaines étoiles, etc.), et a ainsi façonné les panoramas de leur pays.

Les Grecs reçurent l’héritage de ces civilisations et firent l’hypothèse du géocentrisme, en donnant à l’univers une forme sphérique dont le centre était occupé par notre planète. Ils furent certainement les premiers à comprendre et prouver la rotondité de la Terre (en 220 avant notre ère, n’en déplaise aux « platistes », avec moins d’outils qu’ils n’en faut à ces derniers pour propager leurs inepties), et à observer les étoiles non pas dans un but calendaire, religieux ou mythologique, mais afin d’en saisir le fonctionnement astronomique.

De l’autre côté du globe, les Chinois divisèrent le ciel de façon très différente : au lieu de nos 12 signes du zodiaque suivant l’écliptique, ils imaginèrent 28 régions (« loges lunaires ») aux tailles variées, chacune repérée par une étoile de référence. Ils fondèrent alors leur calendrier luni-solaire plus de 2 600 ans avant notre ère. Basé sur l’astronomie et l’astrologie, ses mois reposent sur les cycles de la lune et les règles de son calcul sont particulièrement complexes. Il est ajusté régulièrement afin de s’aligner sur les cycles astronomiques.

Les civilisations amérindiennes comme les Mayas n’étaient pas en reste : éminents astronomes, sans aucun instrument d’optique, ils ont établi un calendrier complexe d’une redoutable précision, parvenant par exemple à prédire les phases et éclipses de Vénus. 

Comment nos aïeux ont-ils découvert des planètes sans l’aide de télescopes ? 

C’est d’une simplicité enfantine : les étoiles nous apparaissent fixes. Certes, les constellations semblent lentement tourner autour de la Terre, mais leur disposition est immuable de mémoire d’homme. Au sein de cette toile invariable se déplacent d’autres points brillants dont la lumière ne vacille quasiment pas : ce sont les planètes de notre système solaire.

Les Mésopotamiens furent ainsi les premiers à noter systématiquement les positions de ces cinq astres visibles à l’œil nu : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Bien sûr, ce n’est qu’avec l’invention du télescope que ces mystérieux points brillants ont commencé à révéler leurs secrets.

L’invention du télescope

Il faut attendre 1608 pour que le tout premier télescope voit le jour aux Pays-Bas. Très vite, la nouvelle se répand dans toute l’Europe et l’Italien Galilée conçoit sa propre lunette d’observation dans la foulée, ce qui lui permit d’annoncer l’existence de satellites autour de Jupiter, de découvrir les taches solaires et les phases de Vénus.

Le ciel de l’époque est encore vierge de pollutions massives ; aussi, malgré une technologie balbutiante (un tube utilisant de simples lentilles), la vision agrandie de ces points lumineux ou de la surface de la lune se révélait pour la toute première fois. On imagine sans peine l’émerveillement suscité : un coin du voile se levait là où l’œil humain n’avait jamais mis le pied ! 

Quelques mois plus tard, Kepler améliore le télescope de Galilée, bien que les aberrations chromatiques restent encore présentes. Ce problème sera partiellement résolu au siècle suivant avec le premier objectif à double correction de couleur, dès 1733. On utilise ensuite des miroirs toujours plus perfectionnés au XIXe siècle dans des télescopes à réflexion, avant d’inventer les radiotélescopes en 1937, qui ne captent plus la lumière visible mais une large gamme de longueurs d’onde, allant des rayons radio aux rayons gamma.

Quelle différence entre un télescope et un radiotélescope ?

Alors que les télescopes optiques se contentent de focaliser la lumière visible pour zoomer sur l’objet observé, un radiotélescope décrypte le rayonnement radio sur une longueur d’onde beaucoup plus grande. Les premiers utilisent des lentilles et/ou des miroirs afin de concentrer la lumière instantanément, les seconds utilisent des antennes paraboliques géantes et convertissent ces ondes en signaux électriques afin d’être analysées ultérieurement.

Ainsi, un télescope permet d’obtenir une image réelle de l’astre observé ; l’agrandissement obtenu dépend de la taille et de puissance du télescope. Pour obtenir une image nette, il est donc nécessaire qu’il n’y ait aucun obstacle entre l’appareil et l’objet observé : les nuages de poussière, de gaz, ou même l’atmosphère terrestre font un écran plus ou moins opaque, plus ou moins déformant qui gêne l’analyse.

Fonctionnement d'un télescope à miroirs.
Fonctionnement d’un télescope à miroirs.

C’est là qu’intervient le radiotélescope ! Comme il ne recueille pas la lumière visible, mais un spectre bien plus large, il détecte les ondes qui traversent ces obstacles sans interférence. Il permet ainsi d’observer des phénomènes inaccessibles aux télescopes optiques, tels que les structures cosmiques : galaxies, trous noirs, quasars et autres pulsars. Une fois les signaux stockés dans des ordinateurs, on reconstitue une image de synthèse qui forme une représentation visuelle du phénomène, permettant ainsi à l’œil humain d’accéder à ce qui lui serait autrement inaccessible.

Si les mystérieux trous noirs vous intéressent, foncez lire mon article à leur sujet. Vous apprendrez notamment comment cet objet invisible peut se révéler l’un des plus lumineux du cosmos, et à quel point ils jouent un rôle clé dans notre univers et l’apparition de la vie.

C’est bien joli, mais pourquoi dépenser des milliards pour regarder les étoiles ?

Observer le ciel et l’univers où notre planète évolue a fait de notre société moderne ce qu’elle est aujourd’hui. C’est en regardant au loin qu’on perce le secret de nos origines, et plus largement celui des origines de la vie elle-même. Au cours de cette odyssée, des découvertes inattendues s’invitent dans notre quotidien, améliorent notre confort de vie et participent discrètement à l’organisation de nos civilisations.

Par exemple, les marins utilisaient les étoiles pour déterminer leur position en mer, développant des méthodes de navigation telles que la méthode de la latitude et de l’azimut. Grâce à cela, nous avons pu nous aventurer toujours plus loin, découvrir de nouveaux territoires, développer le commerce, la technologie, l’industrie et les échanges culturels.

Le cosmos a également inspiré de nombreuses œuvres artistiques et littéraires : poèmes, peintures et récits ont souvent été influencés par sa beauté et ses mystères. Tous nos mythes fondateurs, religieux et spirituels en sont le témoignage. À tel point que nous avons donné à ces astres le nom de nos divinités, fait du ciel le séjour des Dieux, que certaines religions expliquent qu’on « monte au ciel » à notre mort, etc.

Nous l’avons vu, nos calendriers modernes et notre perception du temps sont eux aussi l’héritage de l’observation de notre galaxie. Elle nous a permis notamment de développer l’astronomie en tant que pierre fondatrice de la science, de découvrir les lois de Kepler, la théorie de la relativité d’Einstein, l’expansion de l’univers et a inspiré les débuts de la physique quantique…

Quant à l’astrologie, l’ancêtre de l’astronomie, elle a été à la base de moult décisions historiques : encore aujourd’hui, des dirigeants du monde entier consultent les astres et autres augures afin de décider du calendrier de leurs mesures – parfois même du destin de leur pays –, et nombreux sont ceux qui lui accordent une importance non négligeable dans leur vie personnelle.

Et si vous lisez aujourd’hui ces lignes sur un téléphone portable ou un ordinateur, si vous pouvez vous localiser en un clin d’œil sur la Terre, connaître précisément l’heure à tout moment, regarder la télévision ou surfer sur Internet, prendre l’avion et connaître le temps qu’il fera demain, c’est aussi grâce à la technologie développée pour l’exploration spatiale.

Vous le comprenez, tout notre quotidien tourne autour de l’observation du ciel, à tel point que nous ne nous posons plus la question et n’y accordons plus d’attention. Alors la prochaine fois que vous lèverez la tête pour regarder le peu d’étoiles encore visibles, pensez au long chemin parcouru depuis l’aube de la préhistoire (qui n’est pas si lointaine) et n’oubliez pas une chose : nous n’en sommes qu’au début du voyage ! Mais je vous donne rendez-vous dans le prochain article pour approfondir le sujet, et répondre à cette autre question : pourquoi concevoir des télescopes spatiaux ?

En attendant, je vous remercie de m’avoir lu et espère vous avoir un peu éclairé sur l’importance de « rallumer les étoiles » comme le chante Mylène Farmer, de retrouver et surtout conserver un ciel nocturne débarrassé des pollutions modernes !

N’hésitez pas à partager vos pensées en commentaires ci-dessous !👇😊

©Photos : Unsplash, Nicholas Buer, Rene Tittmann, Parlons Sciences.

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