Parmi toutes les nouvelles que j’ai publiées ici, il en est une dont je ne vous ai pas encore parlé : Le nouveau-né. C’est une histoire qui a beaucoup évolué entre le moment où je l’ ai imaginée et son écriture.
L’intrigue principale est restée la même : un accident plonge un vaisseau spatial dans le chaos. Mais je voulais suivre cinq de ses membres d’équipage, qui vivaient chacun de leur côté des expériences très différentes les unes des autres. L’idée était de rendre hommage à la fameuse série Star Trek qui a bercé mon enfance tout en restant dans l’univers littéraire des chroniques essenaï que je développe ici – les cinq protagonistes étant le capitaine, le second, l’officier scientifique, le chef mécanicien et le médecin chef.
En travaillant la forme de cette nouvelle, je me suis vite aperçu de l’ampleur de la tâche : si le sujet aurait pu faire une bonne première moitié de roman, ou de bons épisodes de série, il était en revanche très complexe de le raconter en format beaucoup plus court, sans vous perdre avec trop de personnages et de concepts dans un monde qui ne vous est pas déjà familier.
Aussi ai-je décidé de revoir ma copie, de simplifier le tout et de me focaliser sur un seul de ces personnages : le chef mécanicien. Je réécrivis alors l’intrigue tout en conservant l’idée originale et me mis au travail !
Friand de science-fiction, je me devais de m’essayer à ce genre littéraire ! Ce sont les nouvelles de Philip K. Dick qui m’ont incité à me lancer dans cette entreprise ; si vous avez aimé au cinéma Blade Runner, Total Recall, Minority Report, L’agence ou The Truman Show, je vous recommande chaudement la lecture de ce maître de l’anticipation.
La nouvelle commence par un passage qui me tenait à cœur : la description milliseconde par milliseconde de l’explosion d’une supernova. Fasciné par l’espace et ses phénomènes dantesques, je tenais à mettre à la portée de tous le mécanisme aussi puissant que rapide qui cause l’effondrement d’une étoile sur elle-même.
Ces explosions sont les plus puissantes de l’univers : les forces qui se déchaînent alors sont telles la lumière produite brille plus fort que toutes les étoiles réunies ! C’est un phénomène d’une violence inimaginable et, pourtant, de ce chant du cygne émerge une nébuleuse qui deviendra une pouponnière de nouvelles étoiles pour que le cycle se poursuive.
De l’espace, nous ne connaissons que la distance ; du temps, que son écoulement.
Il s’agissait de ma deuxième nouvelle, et je voulais illustrer l’aphorisme « La réalité s’avère affaire de perspective ». Je n’invente rien, nombreux sont les philosophes qui se sont emparés du sujet : qu’appelons-nous « réalité » ? Ce qui est tangible est-il pour autant réel ? Puisque nos sens ne perçoivent qu’une fraction de notre environnement, comment connaître ce qui nous échappe ? Qu’y a-t-il au-delà de notre perception limitée ?
Notre rapport à l’espace et au temps me passionne depuis longtemps : au fond, que savons-nous d’eux ? Einstein nous a appris qu’ils étaient indissociables avec sa théorie de la relativité générale – comme les deux faces d’une même pièce. Lorsqu’on distord l’un, l’autre s’en trouve affecté proportionnellement. De fait, nous ne savons pas ce qu’est l’espace, ni le temps : nous n’en voyons que l’expression sous forme de distance.
La distance physique entre deux objets, la distance temporelle entre deux moments. Mais ce qui crée cette distance nous échappe totalement. Nous ne connaissons pas vraiment le temps : juste son écoulement, la durée. Nous ne savons pas ce qu’est l’espace non plus : nous ne percevons que la distance.
Avec cette nouvelle, je voulais entrer au cœur de ce mystère, en soulevant le voile entre les dimensions, en outrepassant les barrières infranchissables, en basculant là où nul être vivant de notre réalité spatiotemporelle n’est censé accéder. Avec toutes les conséquences que cela peut impliquer.
Avec une réflexion sur le temps vient aussi le questionnement sur l’immortalité. Beaucoup de religions, de légendes et de mythes promettent l’immortalité chacun selon ses propres conditions. Mais l’immortalité de notre conscience – ou de notre corps – est-elle vraiment chose désirable ? L’impossibilité de mourir signifie que rien ne se termine jamais. Pas de repos. Pas d’échappatoire, alors que tout disparaît dans l’univers, y compris planètes et étoiles… J’ai donc souhaité pousser cette réflexion dans ses retranchements.
Comme toujours, l’humain est fidèle à sa nature : dès qu’une chose est à sa portée, il ne peut s’en passer. Il doit la posséder. Même s’il est loin d’être prêt à la manier. Le syndrome de l’apprenti-sorcier est fondamentalement ancré en nous, et l’on préfère souvent la preuve empirique, l’expérience des sens quitte à s’y brûler les ailes plutôt que la réflexion prudente avant d’agir. Rien de mieux pour se précipiter dans les bras de la catastrophe !
L’immortalité est-elle vraiment chose désirable ?
En écrivant, j’ai beaucoup écouté les bandes originales des jeux vidéo The Witcher et Diablo III. Leurs accents de mystère, d’action et de menace sourde m’ont aidé à me mettre dans l’ambiance que je recherchais. L’action commence quelques années après mon premier roman, Les Portes de Tzakatán, et se termine… eh bien, je vous laisserai le découvrir ! Quant au style, je n’ai pas cherché à changer le mien ni à coller à une période particulière, cette fois-ci.
À l’époque, j’ai publié ce récit en intégralité sur le site participatif monBestSeller, qui s’est hissé dans le top 10 des nouvelles les plus lues du mois.
Aujourd’hui, c’est à vous de me laisser votre avis ! 😉
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